Article publié sur le site Internet de la Voix du Nord le 16/03/2020
Il y a des choses auxquelles on ne prête attention que lorsqu’on y est confronté. C’est notamment le cas de l’accessibilité des commerces aux personnes en situation de handicap. À Boulogne, une visite de l’hyper-centre avec Suzanne Sergeant, qui se déplace en fauteuil depuis trois ans, nous a permis de dresser un constat : il reste encore du chemin à parcourir.
Adeline Mullet | 16/03/2020
À l’entrée d’une boutique boulonnaise sur deux, Suzanne Sergeant, 83 ans, fait face à la même galère : elle ne peut pas y accéder ou du moins pas sans attendre un peu. En fauteuil roulant depuis trois ans maintenant après un AVC qui l’a rendue hémiplégique, la coquette octogénaire née à Boulogne ne laisse pas de place au hasard. « Quand je dois faire quelque chose, je prévois tout », assure celle qui ne « se prive de rien » et qui est « attachée au centre-ville, au marché et aux petits commerces ».
Il suffit de baisser la tête pour se rendre compte que les marches sont omniprésentes à l’entrée des commerces.
A contrario, certains commerçants ont installé des rampes et des sonnettes pour permettre aux personnes à mobilité réduite d’accéder aux boutiques..
Et après cinq minutes à se balader dans Boulogne avec elle, on comprend pourquoi. Rue Thiers, Grande-Rue, rue Faidherbe... les marches sont omniprésentes. « Même si les commerçants ont des rampes, s’il pleut je dois attendre dehors qu’ils l’installent... », raconte Suzanne. À certains endroits du centre-ville, les vendeurs viennent même la servir sur le pas de la porte. « Pas idéal, mais c’est mieux que rien », soupire la Boulonnaise. Dans les restaurants aussi, l’entreprise peut parfois être compliquée, « ce n’est pas rare que les toilettes se trouvent à l’étage ou à la cave ». Place Gustave-Charpentier, elle s’arrête : « Attendez, je pense que je ne peux pas passer avec les boules de béton ». Anodin pour nous, pas pour elle et tant d’autres.
Les voitures sur les trottoirs, un fléau
Suzanne Sergeant constate tout de même un mieux dans le centre-ville. « Depuis que les trottoirs ont été refaits rue de la Lampe, c’est bien plus accessible ». Selon elle, seuls ceux de la place Navarin, « bien trop hauts et cabossés », sont vraiment problématiques. Et puis, il y a aussi les voitures qui y sont stationnées, comme rue du Pot-d’Étain ou rue Butor devant le CCAS. « Pour voter pour le président du CCAS, j’ai dû y retourner quatre fois dans la journée à cause des voitures garées. »
Que dit la loi sur l’accessibilité?
La loi « pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées » de 2005 donne dix ans aux établissements qui reçoivent du public (ERP) pour être accessibles à tous les types de handicaps. De leur côté, les bâtiments neufs doivent inclure ces normes dès leur construction. Face à la lenteur des mises en accessibilité, l’État a allongé le délai de trois ans. Dans les faits donc, depuis 2018, tous les EPR sont accessibles.
Des dérogations sont prévues dans trois cas : une impossibilité technique liée à l’architecture ou à l’environnement, des contraintes de conservation du patrimoine (bâtiments classés), une « disproportion manifeste » entre les améliorations apportées par la mise en accessibilité et leurs conséquences sur l’activité de l’établissement.
Un test d’accessibilité des commerces boulonnais réalisé par trois associations
L’APF France handicap, l’Union des malades et handicapés du Boulonnais (UDMHB) et Globe handicaps ont réalisé, en septembre et octobre 2019, un test d’accessibilité dans 77 commerces du centre-ville de Boulogne. Selon leur étude, 43 commerces sont accessibles aux fauteuils roulants (moyennant une aide), tandis que 20 sont complètement inaccessibles. Il ressort aussi qu’aucun bar-restaurant visité ne dispose de toilettes accessibles.
Les trois associations se sont également associées pour interpeller les candidats aux élections municipales dans le Boulonnais. Dans un courrier, les trois associations déroulent les douze propositions sur lesquelles elles souhaitent que les futurs maires s’engagent. Parmi elles : permettre à chacun d’assister aux réunions de conseil municipal ou encore organiser dans les écoles accueillant des enfants en situation de handicap des temps de rencontres et de sensibilisation.